•                                                     "Sister Rosa" (1989) par les Neville Brothers

     

    "Sister Rosa" est une chanson des Neville Brothers  extraite de l'album "yellow Moon" sorti en 1989.

                                      

     

                                    1 - Le contexte historique:

    Cette chanson est un hommage à Rosa Park qui en 1955 à Montgomery (capitale de l'état d'Alabama aux USA)  brava l'interdit des lois ségrégationnistes dans les états du sud des USA en refusant de laisser sa place à un Blanc dans un bus: Dans les années 50, les voyageurs Noirs devaient laisser les places assises du devant du bus aux voyageurs Blancs.

                      

    Cinq jours plus tard, la communauté Noire de Montgomerydirigée par le pasteur Martin Luther King, décida de boycotter les bus de la ville.

    Ce boycott dura plus d'un an et aboutit à une décision de la Cour suprême déclarant anticonstitutionnelles les lois de l'État d'Alabama imposant la ségrégation raciale dans les bus.

    Il faudra ensuite neuf ans de lutte non-violente pour qu’en 1964 une loi interdise aux Etats-Unis toute forme de discrimination basée sur la race, la couleur, le sexe, la religion ou la nationalité.

                                       Histoire condensée du "Mouvement des droits civiques" aux USA:

             

    Ce combat vers l'égalité de droit entre les Noirs et les Blancs culmina avec la Marche sur Washington pour le travail et la liberté en 1963.

    Cette marche fut organisée par un groupe de défenseurs des droits civiques, de syndicats et d'organisations religieuses. Le nombre des participants varie de 200 000 à plus de 300 000 selon les estimations. Lors de cette manifestation, Martin Luther King prononça son célèbre discours"I have a dream"

                                  Le discours "I have a dream" du pasteur Luther King en 1963 à Washington:

                                  

                 Comment est on arrivé à ce regime ségrégationniste  aux USA ?

    Au départ, il y a l'esclavage, ces millions de Noirs déportés de l'Afrique de l'ouest vers les USA, le Brésil:

                      

     

    La guerre de sécession aux USA entre les états du Sud et ceux du Nord(1861-1865) eu pour conséquence de mettre fin à l'esclavage en 1865 

    Cliquer sur ce lien pour en savoir plus sur la guerre de Sécession

     

     Les lois Jim Crow (1876-1964):

    Les lois Jim Crow, ayant pour but de restreindre la plupart des droits accordés aux anciens esclaves,  ont instauré  la ségrégation dans les lieux publics mais aussi dans les écoles et dans les transports publics. Elles existèrent surtout dans les états ségrégationnistes du sud des USA.

    Ces lois consistaient à séparer les Noirs des Blancs qui étaient, à l'époque, considérés comme une race supérieure . Les Noirs n'avaient pas le droit de vote, ne pouvaient pas manger dans les mêmes restaurants que les blancs,  pas aller dans les mêmes écoles, monter dans les mêmes bus ou trains ni même aller dans certain quartier d'une ville, etc..

     

     Dans ces états ségrégationistes du sud, les Noirs sont aussi victimes de violences, de lynchages par des organisations terroristes et racistes comme le Ku Klux Klan. Les blancs du Sud étaient, pour la plupart, très racistes et avec la complicité de la police, n'hésitaient pas à brûler les maisons ou fermes des noirs voire à les battre à mort.

     

    Le lynchage de Thomas Shipp et Abram Smith à Marion dans l'état d'Indiana aux USA  le 7 août 1930.               

    En 1939, Billie Holiday, une des plus célèbre de chanteuse de jazz à cette époque, a enregistré la chanson "Strange Fruits". Le parolier, Lewis Allen y exprime ses sentiments concernant les lynchages encore pratiqués aux USA et en fait une puissante déclaration contre le racisme.

    Cette chanson contribua à réveiller l’opinion publique afin qu'une  législation anti-lynchage soit adoptée au congrès.    

                                              "Strange fruit" sous titré en français chantée par Billie Holiday:




            50 ans après le discours " I have a dream" , les noirs et les blancs sont ils vraiment égaux aux USA ?

                       

     

                                                                     

                                                  2 - Analyse musicale de la chanson

     

    La formation instrumentale de cette chanson est constituée d'une batterie et d'une guitare basse. Parfois, nous entendons une guitare électrique, un steel drum, un synthétiseur.

    La guitare basse et la batterie: Un accompagnement musical répétitif:

    Ces deux instruments jouent un motif mélodique* (à la basse), un motif rythmique* (à la batterie)qui durent à peu près 4 secondes  répétés en boucle* du début à la fin de la chanson:

    Motif mélodique de la basse répété en boucle comme un copié/collé une cinquantaine de fois:

     Voici par exemple ce motif répété 4 fois en boucle:

     

    Cette construction musicale est la base de la musique rap: Pas de rap sans un accompagnement musical souvent extrêmement répétitif.

    Nous reparlerons de cette composante musicale répétitive du rap  plus loin en abordant le procédé du sample, presque systématiquement utilisé dans cette musique. 

    A cette construction d'accompagnement répétitive se superpose une mélodie instrumentale* entendue dans l'introduction et après chaque refrain. Elle est jouée par un synthétiseur* et un steel drum*:

     * Le steel drum est une percussion de "Trinidad et tobago", île des caraïbes. A l'origine, on fabriquait ces percussions en utilisant des bidons de pétrole vides laissés à l'abandon sur cette île par les sociétés pétrolières Nord Américaines. 

                                      L'orchestre de steel drum "Mangrove Steel Band" à Londres en 2011:

                     

                      

    Structure vocale de la chanson:

    Le plan de cette chanson alterne couplet et refrain.

    • Les couplets sont rapés
    • Les refrains sont chantés.   

     

                                                           3 - Les racines du Rap

    Les racines du rap sont difficiles à définir. On pressent cependant que la tradition musicale de l'Afrique de l'ouest avec les récits des griots est prépondérante dans la mémoire musicale des esclaves.

    Extrait d'un film sur le Griot Peul Bara Sambarou:

    Cette mémoire musicale a été transmise en particulier aux  pasteurs noirs qui improvisent leur prêche parfois sur un accompagnement musical.

    Prêche du pasteur Elder Otis Jones en 1936:

    Le "Gospel" inventé dans les années 1930 est un style de chant religieux qui synthétise ces origines musicales. "The preacher and the bear" chanté en 1937 par le "Golden Gate Quartet" est un gospel interprété d'une façon qui n'est pas sans rappeler le phrasé syncopé du rap:

     "The preacher and the bear" 1937 chanté par The Golden Gate Quartet

                                                           

    Le fait de parler sur une musique à l'époque moderne est entendu pour la 1ere fois en Jamaïque dans les années 1960: Des D.J. parcourent l'île dans des camions équipées de sonos (sound system) en diffusant de la musique reggae.  Au début le D.J. ne fait qu’annoncer le titre du disque écouté. Puis l’assurance venant, il commence à improviser des paroles sur cette musique. 

    Duke reid's all stars "Judge sympathy" 1969:

     

    A la même poque à New York, "The last poets" scande des textes très politisés sur des musiques répétitives. Même si ce n'est pas encore du rap, le procédé est né:

     The last poets "Wake up nigger" 1969:

    Les membres du groupe "The last poets" en 1969

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     traduction des paroles de 0.31 à 1.07:

    "Que la noirceur soit en toi, qu'elle filtre au travers du rouge, du blanc et du bleu, elle est le rêve d'une forte civilisation noire qui avait autrefois fleuri et grandi. Debout les nègres ! Ou vous y passerez tous ! Tu te noies dans la gloire du crachat de l'homme blanc, tu te reposes à bavasser dans une buée de merde, et tu ne peux rien faire pour sauver ton cul noir, pauvre mec, tu sussoies ta cigarette au menthol vers minuit, tu discutes sans fin pour savoir pourquoi la grosse pomme est si loin, t'as jamais pu en mordre ta part, de qui te fous-tu, de moi ? De toi ? Debout, les nègres ! Ou vous allez tous y passer ! "

    Totalité du texte en anglais ici

     

    James Brown et la "funk music": 

    James Brown (1933-2006) est un des musiciens qui a le plus pressenti le rap. Dans les années 60, son orchestre l'accompagne sur une musique répétitive alors qu'il scande des textes le plus souvent parlé.

    Même si ces textes restent moins provocateurs que ceux de "The last poets", il n'en revendique pas moins une identité mais dans une verve plus positive comme dans la chanson "Say It Loud I'm Black And I'm Proud" de 1968

    ""Say It Loud I'm Black And I'm Proud"  1968 James Brown:

     

                    4-La naissance du "sample" base de la musique Rap:

    Vers la fin des années 70, des "Block party", fêtes de rue sont organisés  dans les ghettos noirs de New York:  Un D.J. aux platines pour le son, un M.C. (Master of ceremony) au micro pour l'animation.

    Dans ces fêtes, les D.J. mettent au point la technique du "merry go round" en utilisant deux platines pour disques vinyl. Sur chaque platine il y a un exemplaire du même disque. Le principe est de passer de l'une à l'autre platine de façon à obtenir la répétition d'un court passage: un break. Le break beat est né et avec lui, le sampling manuel.

    Sampler, c'est utiliser un court extrait d'une musique existant déjà, le répéter en boucle.

    En partant de cette base musicale, le M.C. improvise un texte parlé.

    Exemple de "Merry go round":

     

    Très vite, avec des magnétophones puis plus tard avec des ordinateurs, les rappeurs utilisèrent systématiquement des musiques à base de samples.

    Le musicien qui a été le plus samplé au début de l'histoire du rap est James Brown, celui dont nous avons déjà parlé plus haut, et ce n'est pas un hasard:

    "Funky drummer" 1969 de James Brown:

    Exemples de musiques samplées: (l'original puis le rap):

     

     

                                                 5- Conclusion: Et le rap aujourd'hui ?

     

    Un des premiers tube de rap ayant connu un succès planétaire est "The message" (1982) de Grandmaster Flash. S'il est resté un succès commercial dans les pays non anglophones, les anglo-saxons ne pouvaient pas l'appréhender de la même façon:

    "The message" 1982 par Grandmaster Flash:

    Traduction des paroles en français:

    Cette chanson symbolise le problème qu'à toujours rencontré le rap, écartelé entre le besoin de s'exprimer sur  ce qui ne va pas dans la société et celui de faire de l'argent avec des paroles moins engagées. Aujourd'hui, la scission a eu lieu: En France comme partout dans le monde, il existe un rap commercial avec des paroles insignifiantes et un rap plus confidentiel avec des paroles engagées ou plus travaillées(, Keny Arkana, Medine, Kery James, Kacem Wapalek etc..).  

    Bien sur, comme toujours, cela est à nuancer, des rappeurs à texte ont pu trouver un succès commercial: MC soolar, et plus près de nous Stromae qui d'ailleurs ne rape plus vraiment

    Que sera le rap de demain, une musique minimaliste comme celle de Ludacris aux USA ou sophistiquée comme celle de MC solaar ?   Une musique commerciale ou une musique à texte ? Probablement tout cela puisque le rap est écouté par tout le monde et partout dans le monde: Il n'existe pas un style de rap mais plusieurs styles de rap.

    Fauve "Blizzard" 2013

     

                             

     

     

       

                      

     

     

     

     

       

     

       

        

     

     

     

    .

     

     

     

     

          

     

     

     





    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique